Politique
À peine l’élection européenne achevée le dimanche 09 juin 2024, qu’une nouvelle grande bataille électorale s’engage en France avec des élections législatives anticipées programmées les dimanches 30 juin et 07 juillet 2024, à la suite de la dissolution de l’Assemblée nationale française (ANF), prononcée le soir même des résultats par le Président de la République française Emmanuel MACRON.
Ce dernier faisant l’amer constat de l’échec du camp présidentiel à l’élection européenne et face à la montée des extrêmes, souhaite redonner le choix aux français, tout en espérant retrouver une future marge de manœuvre politique à l’ANF pour sa coalition, rebaptisée « Ensemble », à l’issue de ces nouvelles élections.
Le Président Emmanuel MACRON annonce le 09 juin à la télévision, à la surprise générale, la dissolution de l’Assemblée nationale française
©LE COURRIER Africain | Joël RANC
* Un paysage politique en pleine recomposition en France
On assiste, depuis le dimanche 09 juin et la confirmation des sondages, qui donnaient le Rassemblement national (RN) largement vainqueur de l’élection européenne (obtenant 31,37% des suffrages exprimés selon les chiffres définitifs), à un « renversement des tables » politiques en France.
C’est tout d’abord le Président Emmanuel MACRON, alors même qu’il avait constamment affirmé pendant la campagne de cette élection européenne, qu’elle n’engendrerait pas de conséquences en politique intérieure, qui décide le soir même des résultats, à la surprise générale, de dissoudre l’Assemblée nationale, face à la montée des nationalismes, des démagogues (selon lui), pour demander au peuple Français une clarification.
C’est ensuite Éric CIOTTI, le Président du parti Les Républicains (LR) (obtenant 7,25% aux élections européennes) qui, le mardi 11 juin, accepte de former une alliance électorale avec le Rassemblement national (RN), sans en avoir informé préalablement son bureau politique, qui le désavoue publiquement et très sévèrement en prononçant son exclusion de la présidence et du parti le 12 juin.
C’est en effet un véritable séisme politique en France et pour le principal parti de la droite classique, celui qui se réclame du gaullisme, que de briser le concept du cordon sanitaire, qui avait pourtant connu de nombreux coups de canifs dans le passé, qui veut qu’aucun parti dit de l’arc républicain (les partis jugés fréquentables) ne pactise avec l’extrême droite. Conséquence, le parti LR implose.
Le président de LR, qui juge son parti "trop faible" pour s'opposer à la « Macronie » et au RN, a estimé que la droite avait besoin de cet accord pour préserver sa représentation à l'Assemblée nationale qui comptait 61 députés, dont tous ne sont pas sur sa ligne et formeront une nouvelle droite alliée pour certains au camp présidentiel, à la suite de la décision de justice du 14 juin d’invalider les décisions du bureau politique de l’exclure de la présidence du parti.
C’est ensuite au tour du parti « Reconquête » (autre parti classifié à l’extrême droite) d’imploser le mercredi 12 juin, en raison de l’attaque lancée par la tête de liste Marion MARÉCHAL (LE PEN) et trois de ses colistiers élus lors de l’élection européenne du 09 juin (liste ayant obtenu 5,47%), dans une déclaration commune qui, appelant à l’union des droites, se sont retrouvés en opposition avec le Président du parti Reconquête Éric ZEMMOUR, qui a décidé de présenter le maximum de candidats Reconquête contre le RN et la nouvelle coalition de droite, à la suite de l’échec de la négociation du parti Reconquête dans cette union des droites, le mardi 11 juin entre Jordan BARDELLA (RN) et Marion MARÉCHAL.
L’impossible union de toutes les droites entre les leaders Jordan BARDELLA, Éric CIOTTI, Marion MARÉCHAL, Éric ZEMMOUR, Nicolas DUPONT-AIGNAN
©LE COURRIER Africain | Joël RANC
Jordan BARDELLA, Président du RN depuis septembre 2021 (le bras armé de Marine LE PEN dans cette négociation), avait exigé que cette alliance des droites se fasse avec les cadres de Reconquête, mais sans Éric ZEMMOUR, dont personne ne veut et surtout pas Marine LE PEN, la leader et ex-Présidente du RN qui lui en veut à mort depuis la campagne présidentielle de 2022 qui avait vu Éric ZEMMOUR attaquer violemment sa rivale.
Marion MARÉCHAL, à cause de son refus de présenter des candidats Reconquête contre l’alliance entre Éric Ciotti et le RN, qui avait appelé en outre à voter pour les candidats soutenus par le Rassemblement national aux législatives, ainsi que les deux Vice-présidents du parti et nouveaux députés européens se retrouvent tous les trois exclus du parti Reconquête le mercredi 12 juin. Elle précise qu’elle ne retourne pas au RN, mais va essayer de faire vivre la nécessaire union des droites pour battre le camp présidentiel et la nouvelle coalition de gauche. C’est ainsi que quatre membres de Reconquête, réputés proches de Marion MARÉCHAL, ont décroché mercredi une investiture RN pour les législatives.
Éric ZEMMOUR se trouve marginalisé et isolé avec sa compagne Sarah KNAFO.
Le parti « Debout La France » présidé par Nicolas DUPONT-AIGNAN, qui avait participé aux négociations du 11 juin pour l’union des droites, se retrouve lui aussi isolé faute d’accord sur les investitures, soutiendra quand même la coalition RN-LR CIOTTI et présentera ses propres candidats dans une centaine de circonscriptions seulement sur les 577, à l’instar d'autres petits partis de droite (l’UPR de François ASSELINEAU).
Confrontés à des difficultés de trésorerie et d’organisation, d'autres petits partis politiques doivent renoncer aux élections législatives (Les Patriotes de Florian PHILIPPOT, le parti animaliste...).
* Le Nouveau Front Populaire à gauche
C’est ensuite la gauche qui, devant la menace de voir l’extrême droite remporter les nouvelles élections législatives et donc gouverner la France, se trouve obliger de faire une coalition dans l’urgence, dont les négociations sous forte tension et dissensions aboutissent le mercredi 13 juin 2024 au soir, alors même qu’elle n’a pas su créer une liste commune pour les élections européennes, qu’elle avait acté définitivement depuis le 1er décembre 2023 la mort politique de la NUPES (Nouvelle Union populaire écologique et sociale), leur précédente alliance formée lors des élections législatives de 2022, qui n’a jamais réellement fonctionné.
La NUPES est donc fusionnée juridiquement dans la nouvelle alliance « Nouveau Front Populaire » formée entre La France insoumise (LFI), le parti Socialiste (PS), le parti Communiste (PC), Europe Écologistes Les Verts (EELV) et le Nouveau parti anticapitaliste (NPA), une alliance hétéroclite, dont on n’ose pas faire figurer l’un des chefs de parti, Philippe POUTOU du NPA, du fait de son caractère trop extrémiste. C’est donc bien au « mariage improbable de la carpe et du lapin » auquel on vient d’assister, dans l’unique but de faire obstacle au RN, même si un programme commun de gouvernement a été établi rapidement ce 14 juin.
La conférence de presse annonçant la création du Nouveau Front Populaire le 14 juin 2024 en présence des chefs de parti de la nouvelle coalition de gauche
©LE COURRIER Africain | Joël RANC
Dès le 14 juin, à la suite de ce que certains qualifient de purge des investitures réalisée par LFI au détriment de certains députés sortants jugés frondeurs (CORBIÈRE, GARRIDO, SIMONNET) vis-à-vis de leur charismatique et autoritaire chef Jean-Luc MÉLENCHON, de nouvelles et profondes tensions apparaissent, accentuées par le fait que le courant social-démocratie du PS, incarné par Raphaël GLUCKSMANN, qui s’était vivement opposé à LFI pendant la campagne de l’élection européenne, qui venait de redresser son parti à l’élection européenne (13,83%), passant même devant LFI (9,89%), se doit d’avaler des couleuvres dans le cadre de cette nouvelle alliance.
De fortes dissensions existent au sein même de LFI entre les leaders François RUFFIN, candidat putatif de ce parti à la prochaine élection présidentielle et Jean-Luc MÉLENCHON et ses partisans.
* Une candidature surprise : François HOLLANDE, l’ancien Président de la République française
Après avoir constamment violemment critiqué le parti de la France insoumise (LFI), l’ancien Président HOLLANDE (2012-2017), qui incarne le courant de la social-démocratie, qui avait d’abord plaidé pour le désistement de la gauche en faveur du parti dit de l’arc républicain le mieux placé au second tour, pour faire barrage à l’extrême droite, a décidé de se présenter dans son fief historique de la Corrèze sous l’étiquette du parti Socialiste (PS) qui appartient au « Nouveau Front Populaire », alors qu’il est « en froid » avec l’actuel Premier secrétaire du PS, Olivier FAURE, et détesté des Insoumis. Un reniement et un revirement qu’il justifie par le danger de voir l’extrême droite arriver au pouvoir en France.
L’ancien Président François HOLLANDE annonce sa candidature ce 15 juin 2024 ©LE COURRIER Africain | Joël RANC
* Les premiers sondages
Selon des sources indépendantes, les premiers sondages donnent une avance à la coalition soutenue par le RN (32 à 33%) face à la nouvelle coalition de gauche (25%), et face au camp présidentiel (19 à 20%).
Des sondages demandés par le Nouveau Front Populaire donnent un écart plus serré avec l’alliance soutenue par le RN à 29,5%, le Nouveau Front Populaire à 28,5% et la majorité présidentielle à 18% seulement.
Dans le cadre de cette campagne électorale éclair, sous tension permanente et d’éventuels retournements d’alliances, tout est possible, dont la forte probabilité de se retrouver avec un Parlement français en trois camps que tout oppose et une France ingouvernable et un possible chaos pour certains.
* Un appel à des manifestations lancé par le Nouveau Front Populaire et cinq syndicats de gauche contre l’arrivée de l’extrême droite (RN) au pouvoir
Des manifestations ont eu lieu ce samedi 15 juin dans toute la France et sont appelées à se renouveler régulièrement contre la montée du Rassemblement national. Les organisateurs, qui avaient mis temporairement leurs divergences sous le tapis, ont dénombré 640 000 personnes au sein de 182 rassemblements en France, dont 250 000 à Paris. Le ministère de l’Intérieur en a recensé 75 000 dans la capitale et 250.000 pour toute la France (pour 350.000 au maximum attendues) pour 116 lieux répertoriés.
Au-delà de la bataille des chiffres, c’est une France de plus en plus divisée et de plus en plus violente qui doit faire face à son destin d’ici trois semaines.
Les principaux leaders politiques et de syndicats de gauche défilent à PARIS place de la République - ©LE COURRIER Africain | Joël RANC
* Un pari risqué par un Président MACRON affaibli
Devant le séisme du paysage politique qu’il a lui-même provoqué, le Président MACRON, interrogé sur la difficulté de la situation, se serait déclaré très satisfait de l’évolution actuelle. « Mais pas du tout ! Je prépare ça depuis des semaines, et je suis ravi. Je leur ai balancé ma grenade dégoupillée dans les jambes. Maintenant on va voir comment ils s’en sortent », aurait-il alors clamé.
Un pari toutefois plus qu’hasardeux pour un Président, qui risque de voir son camp présidentiel s’affaiblir encore, qui ne bénéficiait déjà plus de la majorité absolue à l’Assemblé nationale depuis le second quinquennat et qui se voit reprocher de gouverner par le dispositif du 49-3 (utilisé 23 fois depuis mai 2022).
Nb : L’article 49.3 permet en effet d’engager devant l'Assemblée nationale la responsabilité du Gouvernement sur le vote d’un texte de loi. Dans ce cas, ce texte est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure (qui vise à faire démissionner le Gouvernement), déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée à la majorité des membres composant l’Assemblée nationale.
C’est ainsi que les membres du camp présidentiel voyant le parti « Renaissance » du Président MACRON de plus en plus affaibli, à la suite des résultats de l’élection européenne, revendiquent davantage d’autonomie et de candidats pour cette élection législative.
Ainsi Édouard PHILIPPE, l’ancien Premier ministre de la première partie du premier quinquennat, qui a en ligne de mire l’élection présidentielle de 2027, considérant que MACRON est désormais perçu comme un repoussoir, dans le cadre des négociations en cours pour les investitures qui doivent être déposées au plus tard le dimanche 16 juin, exige plus de candidats, qu’ils se présentent désormais sous la bannière du parti « Horizons » sans référence à une appartenance à la « majorité présidentielle ».
Cette prise de distance crispe désormais le camp présidentiel qui se trouve lui aussi de plus en plus désuni.
De notre correspondant à PARIS : Joël RANC
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