Vendredi, Octobre 10, 2025
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Après huit années d’un cessez-le-feu fragile que le médiateur algérien tentait tant bien que mal de maintenir, Bamako l’avait rompu en août 2023. Le communiqué, lu dans la soirée du 25 janvier à la télévision nationale malienne, résonne comme l’acte de décès officiel d’un accord qui n’existait plus que sur le papier.
© Fournis par Le Monde
Le pouvoir militaire en place à Bamako a annoncé la « fin, avec effet immédiat » de l’accord de paix d’Alger, signé en 2015 entre l’État malien et les groupes rebelles indépendantistes touareg et arabes du nord du pays, sous l’égide de l’Algérie.
 
Devant les téléspectateurs, le lieutenant-colonel Abdoulaye Maïga, ministre de l’administration territoriale, a justifié cette décision par « le changement de posture de certains groupes signataires de l’accord (…) devenus des acteurs terroristes », ainsi que par « les actes d’hostilité et d’instrumentalisation de l’accord » auxquels s’est selon lui livré Alger.
 
Vendredi, le ministère algérien des affaires étrangères a contesté ces explications qui « ne correspondent absolument ni de près ni de loin à la vérité ou à la réalité ». « Il n’a échappé à personne que les autorités de transition préparaient cette décision depuis bien longtemps », a souligné la diplomatie algérienne, tout en exprimant sa « profonde préoccupation » face à cette décision de Bamako, d’une « gravité particulière pour le Mali lui-même et pour toute la région ».

Coup de froid dans les relations entre l’Algérie et le Mali

Les anciens rebelles du Nord ne sont pas non plus surpris. « Depuis l’arrivée au pouvoir de la junte [suite au coup d’État de mai 2021], il est clair que les colonels n’avaient aucune intention de maintenir l’accord d’Alger.
 
Tous les ingrédients de la rupture étaient là. Maintenant, c’est fini. On va continuer la guerre », déclare Mohamed Elmaouloud Ramadane, le porte-parole de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), qui regroupe la plupart des groupes politico-militaires en conflit avec le pouvoir central.
 
En enterrant définitivement ce texte censé donner plus d’autonomie aux régions du Nord et maintenir un cessez-le-feu entre l’État et les groupes armés qui lui avaient déclaré la guerre en 2012 avec l’aide temporaire des djihadistes implantés dans cette partie du pays, la junte officialise une rupture déjà actée sur le terrain depuis plusieurs mois.
 
Après huit années d’un cessez-le-feu fragile que le médiateur algérien tentait tant bien que mal de maintenir, la junte l’a rompu en août 2023 en attaquant des positions de la CMA au Nord.

Une ligne ultra-souverainiste

 
S’en sont suivis trois mois d’affrontements armés, notamment pour reprendre le contrôle des bases abandonnées par la Mission des nations unies au Mali (Minusma), priée de quitter le territoire par les autorités.
 
Le 14 novembre, la prise de Kidal par l’armée malienne et son allié russe du groupe de sécurité privée Wagner a contraint la CMA à fuir son bastion, fief historique des rébellions touareg, pour se replier vers la frontière algérienne.
 
Pour tenter de faire revenir les deux parties à la table des négociations, le voisin du Nord, historiquement influent sur le septentrion malien, a reçu plusieurs cadres des mouvements rebelles à Alger, mi-décembre 2023.
 
La réception, le 18 janvier, par le président Abdelmadjid Tebboune de l’imam Mahmoud Dicko, l’une des dernières voix critiques à Bamako, a fini de provoquer la colère de cette dernière. Les ambassadeurs des deux pays ont ensuite été rappelés par leurs autorités respectives.

Au Mali, Kidal, bastion de la rébellion, reconquis par l’armée

Si Alger a joué l’apaisement début janvier en renvoyant au Mali son ambassadeur, Bamako est resté campé sur ses positions. Deux semaines plus tard, lors du sommet des non-alignés qui s’est tenu du 15 au 20 janvier à Kampala, capitale de l’Ouganda, le chef de la diplomatie malienne, a lancé une nouvelle salve en fustigeant l’ingérence d’Alger dans les affaires intérieures de son pays.
 
Selon Abdoulaye Diop, l’Algérie aurait tenté, sans l’avis du Mali, d’ajouter à la déclaration finale du sommet « un chapitre complet » avec « un langage par rapport à l’accord pour la paix qui ne reflète pas la réalité d’aujourd’hui ».
 
En d’autres termes, Alger aurait tenté de réaffirmer l’importance de ce texte dont la junte ne veut plus. Alors que les autorités algériennes ont nié avoir pris une telle initiative, le régime présidé par le colonel Assimi Goïta, qui défend depuis son arrivée au pouvoir une ligne ultra-souverainiste, a continué à faire monter la tension.
 
Jeudi, dans son communiqué, le colonel Abdoulaye Maïga a ainsi accusé Alger d’avoir multiplié ces derniers mois les « actes inamicaux », « d’hostilité et d’ingérence dans les affaires intérieures du Mali ».

La grande désillusion algérienne au Sahel

Selon une source diplomatique occidentale à Bamako, cette défiance de la junte à l’encontre du médiateur algérien est survenue « depuis que les mouvements rebelles ont été reçus par les autorités algériennes.
 
Ils peuvent circuler librement dans le sud de l’Algérie et le régime malien soupçonne Alger d’avoir créé les conditions permettant à ces groupes armés d’organiser des concertations, de trouver des financements et des combattants, afin d’organiser la riposte contre l’armée malienne ».
 
Après avoir poussé les soldats français vers la porte de sortie fin 2022, puis la Minusma un an plus tard, les autorités de transition « se sont attaquées au dernier avatar incarnant le poids de la communauté internationale au Mali, à savoir l’accord de paix d’Alger », poursuit la même source.
 
Car derrière l’Algérie, la France, les États-Unis et l’Union européenne soutenaient cet accord, jamais réellement accepté ni mis en œuvre par Bamako.
 
« Personne n’a une meilleure solution au Mali que les Maliens », avait prévenu le ministre Abdoulaye Diop à Kampala.
 
Neuf ans plus tôt, déjà au même poste, celui-ci voyait en l’accord qu’il venait de négocier à Alger une condition pour la paix. A charge désormais au « dialogue intermalien », annoncé fin décembre par le colonel Goïta, de tracer les contours de l’avenir des relations entre le nord et le sud du Mali afin d’éviter une nouvelle scission comme en 2012.

Le secrétaire général du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), Bilal Ag Acherif (à gauche), et le ministre algérien des affaires étrangères, Ramtane Lamamra, lors de la signature de l’accord de paix entre le gouvernement malien et les groupes armés du Nord, le 19 février 2015 à Alger.
Source © RFI via Le Monde

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