Vendredi, Octobre 10, 2025
MÉDIA D'INFORMATION EN LIGNE | L'AFRIQUE RACONTÉE PAR LES AFRICAINS
Le pays devrait connaître le plus fort taux de croissance d’Afrique en 2024. Face à l’inflation et les sanctions qui ont affaibli l’économie, la rente pétrolière donne un espoir de relance.
BOUREIMA HAMA / AFP
 
Coupures d’électricité récurrentes, baisse du pouvoir d’achat, pénuries alimentaires… Après sept mois de sanctions de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) imposées après le putsch du 26 juillet 2023, rien dans les rues de Niamey, la capitale, ne laisse percevoir que le Niger pourrait connaître le plus haut taux de croissance du continent en 2024.
 
Pourtant, selon un rapport de la Banque africaine de développement (BAD), publié le 1er mars, le PIB de ce pays pourrait bondir de 11,2 % en 2024, après une croissance de 4,3 % en 2023. Ces « prévisions de croissance supposent un retour progressif à la normale », qui inclut « la levée des sanctions [effective depuis le 24 février] et le retour des financements », tempère la Banque mondiale.
 
Elles reposent également sur l’hypothèse d’une mise en exportation de 90 000 barils de pétrole par jour via l’oléoduc qui relie le gisement d’Agadem au port de Sèmè, au Bénin, qui devrait rapporter environ 610 millions d’euros de recettes fiscales d’ici à 2025.
 
Le Niger exporte aujourd’hui de 20 000 barils par jour. La société chinoise CNPC, en charge du projet, a annoncé, le 2 mars, la mise en service de l’oléoduc, permettant la sortie de premiers barils d’ici à deux mois. Néanmoins, la croissance annoncée est à prendre avec précaution, prévient l’économiste Emilie Laffiteau, chercheuse associée à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). « Le Niger est l’un des pays les plus pauvres au monde.
 
Il est toujours plus facile de créer un pic de croissance quand on part de loin, relativise-t-elle d’emblée. D’autant que les 11,2 % de croissance n’auront pas forcément d’effet sur le développement à long terme du pays.
 

La nécessité de réformes structurelles

 
« Il est important de regarder si la croissance est due à un effet de volume, dans quel cas le Niger a conquis de nouveaux marchés et exporte davantage.
 
Ou si ce taux est la conséquence d’un effet prix. C’est-à-dire que la situation n’a pas changé et que le pays bénéficie juste de la hausse des prix. Dans ce cas, rapporté à l’inflation dans le pays, ce taux de croissance n’aura aucun effet positif sur les populations », indique Emilie Laffiteau. Dans les prévisions de la BAD, ces deux effets se concurrencent.
 
Si le Niger devrait augmenter fortement ses volumes d’exportation de brut, avec la finalisation de l’oléoduc, le contexte inflationniste mondial, depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, vient minimiser ce gain.
 
D’après différents rapports de la Banque mondiale et de la BAD, pour que la prévision de croissance se réalise et devienne une réalité pérenne, le pays doit mener des réformes structurelles et se tourner davantage vers les secteurs secondaire et tertiaire. Tant que le Niger n’aura pas amorcé une industrialisation et dépendra principalement de ses matières premières, le pays restera vulnérable aux chocs climatiques et à la variation des prix fixés par les marchés internationaux.
 
Et bien que les performances du secteur tertiaire ont augmenté en 2022, selon la BAD, il ne représente qu’un tiers du PIB. Une part qui risque de baisser avec l’extraction du pétrole. Par ailleurs, « une forte proportion du PIB est produite par le secteur informel, majoritairement agricole dans le cas du Niger », précise aussi Emilie Laffiteau. Ce qui ne permet pas à l’État de mettre en place un mécanisme de recette publique efficace.
 
D’autant que l’exportation d’uranium, dont le Niger est le quatrième producteur mondial, ne représentait que 6,52 % des revenus de l’État d’après le dernier rapport de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives au Niger (ITIE), à cause des faibles cours mondiaux du métal.
 

Une ressource vulnérable aux chocs politiques

 
Jusqu’au putsch mené par le général Tiani, 40 % du budget de l’État dépendait, selon le régime militaire, des ressources dites non domestiques : dons ou prêts des pays ou institutions étrangères. Une ressource vulnérable aux chocs politiques comme ce fut le cas après le coup d’État, lorsque les États-Unis, la France, l’Union européenne, la Banque mondiale ou encore l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) ont mis un terme à leur partenariat et au versement des aides au développement.
 
Une croissance, voulue et estimée à « 7,9 % en moyenne entre 2024 et 2026 » par la junte, dépendra donc de la résilience du Niger à absorber tous ces chocs exogènes. Certaines économies africaines l’ont d’ailleurs compris.
 
Onze des vingt pays ayant la croissance économique la plus forte au monde en 2024 sont africains, selon le classement de la BAD et, globalement, ces prévisions « reflètent les efforts des pays pour diversifier leurs économies et pour mettre en œuvre des politiques nationales qui inversent l’augmentation du coût de la vie et stimulent la consommation privée », précise le rapport.
 
À l’instar de la Côte d’Ivoire ou du Bénin, dont la part de secteur primaire dans le PIB représente moins de 30 % et qui devraient connaître une croissance supérieure à 6 % en 2024, comme c’est le cas depuis la reprise de l’activité économique après la pandémie de Covid-19.
 
Porté par ce changement structurel des économies, en 2023, le continent s’est placé derrière l’Asie au classement, établi par la BAD, des régions à la croissance la plus rapide. Il devrait renouveler sa deuxième place en 2024.
Source Le Monde | Sophie Eyegue | 7/03/2024

Newsletter

Merci de vous inscrire gratuitement à la Newsletter du Courrier Africain, afin de suivre l'actualité de l'Afrique.
bruxelles media 001

SALON DU LIVRE AFRICAIN

louve 01
pub coca 01Publicité Partenaire