Vendredi, Octobre 10, 2025
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Les Européens ont assisté à la montée en compétences d’anciens sous-traitants chinois, comblant le vide laissé par leurs cessions d’actifs. Selon le ministre de l’Industrie et du Commerce, seulement 20 % des grandes entreprises européennes ont quitté la Russie après l’invasion de l’Ukraine, il y a deux ans.
Bobylev Sergei/Bobylev Sergei/Tass/ABACA
 
80 % d’entre elles seraient donc toujours présentes - une proportion qui vaut pour les entreprises françaises -, recouvrant des situations d’activités très diverses. «La tendance est à la réduction de l’activité au maximum, comme une filiale dormante, pour se mettre en position de redémarrer», explique une bonne source à Moscou.
 
Exemple, visible dans le centre de la capitale, les enseignes de luxe (Chanel, Hermès, Cartier…), dont les locaux et les vitrines sont toujours allumés, paient leurs employés mais maintiennent leurs portes closes. Dans l’année qui a suivi le 22 février 2022, nombre d’entreprises françaises dont les clients sont tombés sous le coup de sanctions européennes ou américaines ont cédé leurs actifs.
 
Cela a été le cas, entre autres, de l’équipementier automobile Forvia, dont la filiale russe a été rachetée en 2022 par ses cadres locaux via un MBO (management buy out), une option que refusent désormais les autorités russes. Les activités de l’ex-Forvia (auparavant 2 000 personnes sur quatre sites) ont été regroupées à Togliatti, avec 500 personnes.
 
Dans l’automobile, mais pas seulement, on a assisté à la montée en compétences d’anciens sous-traitants chinois concurrençant efficacement celles des Européens, y compris sur les marchés tiers. «Nous devenons les sous-traitants de nos anciens sous-traitants chinois», ironise amèrement un homme d’affaires français à Moscou.
 
Avtovaz, dont Renault était actionnaire à 67 % jusqu’à son départ de Russie, en mai 2022, a vu sa production progresser de 70 % l’an dernier (374 000 véhicules) sur le segment des voitures les plus abordables (Lada). Les marques chinoises, en progression constante sur un marché où elles sont désormais dominantes, occupent surtout les segments milieu et haut de gamme.
 
«Il s’agit d’une involution, constate un bon observateur français. Là où les constructeurs français localisaient en Russie et faisaient du transfert de technologies, les Chinois s’en tiennent à la vente ou à l’assemblage final.» «Régime spécial» «La plupart des entreprises françaises ne peuvent pas partir et n’ont qu’un choix très limité», explique un bon connaisseur du dossier.
 
«Soit elles continuent à travailler en Russie en autonomisant leur filiale, comme Auchan ou Leroy Merlin, par exemple, soit elles vendent, à des personnes choisies par le pouvoir russe et qui peuvent s’avérer peu recommandables, à un prix qui n’en est pas un», ajoute cet expert.
 
Selon le «régime spécial» décrété l’an dernier pour les groupes étrangers, ces derniers doivent vendre leurs actifs avec une décote d’au moins 50 % par rapport au prix du marché et verser une taxe de sortie à l’État russe de 15 % de la valeur estimée de l’actif concerné. Au total, «cela se résume à 20 % de la valeur des actifs, en cinq versements, sur un an et demi», constate le même expert. En juillet, alors que Danone (7 000 employés, quatorze usines) était en négociation pour vendre une partie de ses activités en Russie, le groupe a été pris de court par l’État russe, qui s’est octroyé unilatéralement le contrôle de ses actifs dans le pays, selon les termes d’un décret signé par Vladimir Poutine.
 
Danone Russie a été placé sous la gestion «temporaire» d’une agence d’État, Rossimouchchestvo, et d’un nouveau directeur général, en la personne de Yakub Zakriev, 32 ans, neveu du dirigeant tchétchène Ramzan Kadyrov. Selon le Financial Times de mercredi, Danone - qui s’est refusé à commenter - envisagerait de revendre sa filiale russe, rebaptisée Life & Nutrition, à la société laitière Vamin Tatarstan, dirigée par un proche de Yakub Zakriev.
 
Autre acteur majeur en Russie, TotalEnergies s’est recentré sur son «core business», le gaz naturel liquéfié produit sur son site de Yamal, qui tourne actuellement à 120 %. Le groupe a notamment vendu, en mars 2023, par MBO, son usine de lubrifiant, au sud-est de Moscou, et sa filiale TotalEnergies Marketing Russia.
 
Partenaire de Novatek à hauteur de 19,4 %, TotalEnergies en a retiré ses administrateurs et est désormais devenu un actionnaire dormant du géant gazier russe, renonçant à sa part de production qui débute sur le nouveau site d’Arctic GNL 2. Paradoxe de la situation, les fortes incertitudes politiques s’accompagnent, sur le terrain, d’une coopération maintenue avec les partenaires d’affaires russes soucieux de préserver les liens.
 
Par ailleurs, des indices économiques porteurs en dépit de la guerre (par exemple, une consommation courante en hausse de 6,1 % en 2023) ont permis la réalisation de bons, voire de très bons résultats, par exemple dans la grande distribution ou l’hôtellerie (Accor). Mais le laborieux processus d’autonomisation vis-à-vis des maisons mères dans lequel se sont engagés les grands groupes français ne dégage pas tous les obstacles.
 
Le douzième train de sanctions de l’Union européenne, en décembre dernier, prévoit qu’à partir du 20 juin prochain les entreprises ne bénéficieront plus d’une exemption automatique pour fournir à une filiale en Russie des prestations de service et des logiciels européens. Une initiative qui crée «un environnement instable et coûteux pour les entreprises ayant une filiale en Russie», déplore un expert du marché russe.

Source Le Figaro | Alain Barluet

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